Motion Gössi sur les débouté∙es érythréen∙nes : une motion abjecte et irréaliste

Le 9 juin 2024, à la suite du Conseil des États, le Conseil national a adopté la motion 23.4440 de Petra Gössi (PLR) demandant au Conseil fédéral de conclure un accord de transit avec un État tiers pour y renvoyer les Érythréen·nes débouté·es. Cette mesure est totalement abjecte, parce qu’elle ne se soucie en aucun cas des violations des droits humains que pourraient entraîner un tel accord. Elle est irréaliste parce qu’inefficace et inapplicable.

La Coordination asile.ge, comme toutes ses associations membres, est consternée par l’adoption de la motion Gössi, visant à conclure un accord de transit avec un État tiers pour expulser les requérant∙es d’asile érythréen∙nes dont la demande d’asile a été rejetée.

Cette motion n’apporte aucune réponse à celles et ceux qui voudraient renvoyer ces personnes : selon le Conseil fédéral lui-même, un transit dans un autre pays ne résout pas le fait que l’Erythrée n’accepte pas le retour de celles et ceux qui ont pris la fuite. Les personnes expulsées dans le cadre d’un tel accord devraient être réaccueillies en Suisse à la fin de la période de transit. Pour le Conseil fédéral, « une telle procédure ne servirait donc à rien, sinon à générer des coûts supplémentaires pour le retour et l’accueil (en Suisse) des personnes concernées »[1].

Une fois de plus, nos élue∙es s’acharnent de manière incompréhensible sur la communauté érythréenne[2]. Concrètement, moins de 300 personnes sont concernées. Pour la plupart, et malgré de nombreux obstacles, elles ont fait de grands efforts d’intégration : en suivant des cours de langues, en se formant, en travaillant quand elles le pouvaient.

Surtout, rappelons que les Érythréen∙nes concerné∙es ont fui une dictature où chacune et chacun court un haut risque d’être persécuté∙e. Ces dernières années, c’est à huit reprise que le Comité contre la torture (CAT) a épinglé la Suisse pour avoir sous-évalué le danger couru par des ressortissant∙es érythréen∙nes. En mai 2024, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation en Érythrée recommandait à nouveau : « De protéger et d’aider, conformément aux dispositions du droit international relatives à l’asile, les ressortissants érythréens qui fuient le pays par crainte d’être persécutés ou de subir des violations des droits de l’homme, et de respecter le principe de non-refoulement »[3].

Plutôt que de demander des mesures d’externalisation autant irréalistes que dangereuse, plutôt que de semer la panique au sein d’une communauté déjà dans le viseur, il est plus que jamais temps de se montrer véritablement réalistes et d’accorder aux Érythréennes et Érythréens une protection et le droit de rester en Suisse !

Genève, le 17.06.2024


[1] https://asile.ch/2024/06/11/un-accord-de-transit-pour-y-envoyer-les-deboutees-erythreennes-bis-2/

[2] https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%C2%B7ne%C2%B7s-actualisation-2020/

[3] https://asile.ch/wp-content/uploads/2024/06/SR-Erythree-rapport-2024-copie.pdf